Voilà un sujet encore quelque peu tabou ici, en France :
- Comment débarrasser une maison lors d’un départ en maison de retraite ?
Et si on vous parle de « tabou », ce n’est pas par hasard 🤔
Quand on a parlé de cette problématique à notre entourage pour savoir ce qu’ils en pensaient, on nous a tout de suite dit « oulah, c’est moyen votre truc », ou « les gens n’ont pas envie d’entendre parler de ça », ou encore « tu veux dire, expédier ton parent en EHPAD ? ».
Non, non et non 🤦♂️
Déjà, « maison de retraite » ne signifie pas forcément « EHPAD » (et puis, chacun fait à la mesure de ses moyens).
Ensuite, nous pensons que c’est un vrai sujet, qui mérite d’être abordé, car la plupart d’entre nous y sont malheureusement confrontés un jour ou l’autre…
Alors, comment gérer ce vide-maison un peu particulier ?
Nous en avons discuté avec Cécile*, qui a justement traversé cette épreuve récemment.
* Notre interlocutrice ayant souhaité conserver l’anonymat, son prénom a été modifié.
Comment vider le domicile d’une personne qui part en maison de retraite ?
Cécile a 58 ans, elle est cadre à Bordeaux ; son père est malheureusement décédé de la Covid-19 l’année dernière, et sa mère, assez âgée, a beaucoup de mal à subvenir à ses besoins dans sa petite maison gradignanaise.
Quand Cécile nous raconte tout ça, on sent déjà que l’émotion est palpable et que la suite est loin d’être une partie de plaisir : « Ma mère a quelques problèmes de santé qui nécessitent l’assistance ponctuelle d’une infirmière » commence-t-elle par nous confier. « Moi, j’essayais de passer autant que possible, mais mon métier et les responsabilités qui m’incombent me laissent une marge de manœuvre assez limitée. J’ai essayé de repousser cette décision jusqu’au bout, mais à un moment, j’ai dû m’avouer impuissante face à tout ça, et j’ai décidé que c’était préférable pour elle de partir en maison de retraite ».
Comment s’est opérée cette décision ? Contrairement à ce que l’on pourrait penser, elle est le fruit d’un commun accord :
« Par chance, ma mère a encore toute sa tête, elle a très vite reconnu qu’elle n’arrivait plus à s’occuper de la maison. Et, quelque part, ça rend cette décision encore plus difficile. J’avais l’impression de la contraindre à partir, de l’obliger à faire quelque chose qu’elle ne voulait pas. Vous savez, cette maison, elle y est restée 35 ans, c’est un gros morceau de sa vie. Pour moi aussi d’ailleurs… »
Une fois la maison de retraite choisie et les démarches effectuées, survient la vente du domicile de la mère de Cécile. Une nouvelle épreuve qu’il a fallu anticiper :
« Comme je vous le disais, ma mère n’arrivait plus à entretenir la maison et l’aide à domicile ne pouvait pas non plus faire de miracles, ce n’était pas son rôle. Avant de faire les visites, on a donc fait quelques petits travaux afin de remettre les pièces à neuf. Quand c’était fini, ma mère m’a confié qu’elle ne reconnaissait déjà plus sa maison. Ça m’a marquée ».
Avec un prix légèrement plus bas que le marché, l’habitation a vite trouvé acquéreurs, et s’en est suivi l’épreuve que Cécile redoutait le plus : le débarras complet du domicile de ses parents.
« Je n’avais aucune envie de faire ça. Je me disais, cette fois, ça y est, tu pousses ta mère dehors, qu’est-ce qu’elle va penser de toi ? Elle m’a alors dit ces mots très doux, très rassurants : « tu sais ma chérie, ne t’en fais pas, je sais que c’est pour mon bien ». Je ne dirais pas que ça m’a tranquillisée complètement, mais ça m’a donné le courage pour affronter cette journée ».
Et une dose de courage, il en fallait – vider la maison d’une personne qui part à la retraite est au moins aussi compliqué que débarrasser la maison d’un défunt (dont les conseils que nous avions donnés à l’époque peuvent ici s’appliquer tout à fait). Les murs résonnent de souvenirs, et les objets du quotidien n’ont de cesse de vous rappeler qu’ici, un jour, a chanté la vie :
« Il y avait encore beaucoup d’affaires de mon père, des photos, des papiers, des lettres… » poursuit Cécile. « Faire ça toute seule, j’en aurais été incapable. Heureusement que mon conjoint et mes fils étaient là, ils ont été d’une aide précieuse, d’abord moralement, et physiquement aussi bien sûr, car il y avait beaucoup de choses à transporter ».
Comment s’est organisée Cécile pour le débarras de la maison de ses parents ? Ils ont tout simplement décidé de passer par une association :
« Ça me paraissait la chose la plus évidente, j’ai toujours été éduquée comme ça, dans le don, le partage, la bienveillance envers les autres » dit-elle avant d’ajouter dans un petit sourire : « et puis, bon, je ne connaissais pas JeVide.fr ».
Elle rentre ensuite davantage dans les détails de cette journée ; passés les premiers émois, la routine qui s’installe, les pièces vidées une par une, la camionnette de l’association chargée jusqu’à ras bord :
« J’ai associé ma mère au débarras de bout en bout » précise Cécile. « Je ne voulais pas la laisser dans son coin, à regarder sa vie réduite en pièces détachées. Alors régulièrement, je la sollicitais, je lui demandais son avis : voulait-elle qu’on garde tel ou tel meuble, tel ou tel objet ? Et ce livre ? Et ces documents ? La plupart du temps, elle secouait la tête en disant « Non, non, non ». Au final, elle n’est repartie qu’avec un album photo et les lettres d’amour que lui avait envoyées mon père pendant la guerre d’Algérie. Je ne lui ai pas demandé, mais j’avais l’impression qu’elle faisait une croix délibérée sur avant, comme si elle avait bien conscience d’entamer un nouveau chapitre de sa vie. Je l’ai trouvée incroyablement courageuse. Moi, je ne sais pas si j’en aurais été capable ».
Et nous, on la remercie beaucoup pour son témoignage.